Ou un journal presque intime…

Archives de novembre, 2010

DRIBA


Ils sont plusieurs, dans les rues, armés de couteaux hurlant à qui veut l’entendre qu’ils sont prêt à égorger. Y en a d’autres qui les suivent, d’assez près, criant à leur tour qu’ils veulent des peaux…Ok j’arrête je laisse ça à TF1, vous faire peur….Ceux qui avaient des couteaux sont bouchers. Ils passent dans les rues en criant « ghezar » (boucher) pour aider à tuer les moutons, les autres criaient « b’tana » (peau) pour récupérer les peaux. Oui c’était l’aïd mercredi et les baignoires se sont remplies de sang ! Et mince ! encore un réflexe de TF1. Ils n’égorgent pas dans les baignoires, même ici. Dans la cour en bas de chez moi ils ont égorgé 6 moutons. Je n’ai pas vu de sang. C’est justement le but : faire ça proprement. Toute la semaine avant j’ai vu des moutons dans des coffres, d’autres promenés au bout d’une corde. J’ai vu les gens prendre d’assait les magasins comme en franc les veilles de noel. Le jour de l’aïd ça sentait les grillades et des rires éclataient de toutes les fenêtres. J’ai entendu des youyou et vu les gens mettre leurs plus beaux habits. C’était la fête. J’étais au Maroc. J’avoue des fois ne pas avoir l’impression d’y être. Le capitalisme étant bien installé, vient le tour de la mondialisation. Après les immeubles tapissés de pub coca-cola, je sens la tradition vaciller, apprenant douloureusement que l’uniformisation du monde ne permet guère de différences, peut-être celles qui font jolies sur les cartes postales, la couleur des épices et les places éclairées. Casa se construit à une vitesse impressionnante. Malheureusement pour ça elle se détruit encore plus vite. Le blanc qui fait son nom commence à laisser place à des baies vitrées teintées pour protéger les cols blancs. Il faut profiter des vieux quartier où tu peux trouver n’importe quelles lettres de ton clavier, au détail, ou la troteuse de ta montre ou l’autre aiguille, ce qui nous parait impossible tellement c’est jetable….Ces quartiers aux murs blancs imprégnées d’identités culturelles, ou on répare ta chaussure qui avait perdu pied, où on te rase encore au couteau, où les enfants font des courses de pneus et les rues prises d’assaut par des joueurs de foot qui voient dans le ballon abîmé des rêves qui ne le sont pas moins.
Les bidonvilles se vendent aux plus offrants pour laisser pousser des résidences sécurisées. La misère se cache désormais dans un 2 pièces t’as peut-être la cuisine, Casa rattrape son retard et achète les rideaux occidentaux de l’indifférence.
Les djellabas sont griffées Chanel ou saint laurent, la Haute couture se prend pour Dieu. Les jeunes filles s’égarent entre l’émancipation et la prostitution pour à peine finir salope.
Quand je regarde Casa qui m’a fallut si peu de temps pour aimer, les griffes du capitalisme laissent autant de traces sur ma peau que sur ses murs. Dommage que pour pas mourir, il faille ressembler à ceux qui sont déjà morts.