Ou un journal presque intime…

Archives de février, 2011

LA ? NAAM…


On a pris un taxi pour descendre au centre. Comme d’habitude. Mon homme discute avec le chauffeur des évènements, j’essaie de comprendre, comme d’habitude. Mon arabe s’améliorant difficilement…La circulation est plutôt fluide, rien à voir avec les jours de semaine. On devrait vite arriver. Mais non. D’un coup un grand boum du côté gauche qui nous sort de nos habitudes réconfortantes. Le temps de comprendre le chauffeur était déjà à la poursuite  du conducteur qui venait de nous doubler comme un âne, de trop près, emportant avec lui bout de portière et peinture. Nous voilà donc dans une course poursuite manière starsky et hutch mais façon bledarde à savoir un taxi rouge tout pourri, sans amortisseur, des freins probables, une route qui tient plus du gruyère que du bitume. Rien à voir avec les gros moyens d’Hollywood, Jack Bauer il est peut-être super balaise mais tu lui feras pas sauver les états-unis avec les routes de Casa. Les feux rouges nous regardent dévaler gentiment, les badauds rejoignent précipitamment les trottoirs à notre passage avec cette délicatesse de ne pas s’éclater sur notre pare-brise. Je vois au loin, quand nous survivons aux changements de direction, la voiture que nous suivons. Enfin moi je suis que dalle mais j’ai pas le choix. Un autre bruit. J’ai cru avoir perdu un roue, ça va, elle tient toujours. Changement de rue à gauche. Tjs en vie. Tjs les roues. Je vois la voiture bloquée plus loin à un feu rouge. La notre s’arrête enfin. On me dit de pas sortir. J’en ai pas l’intention. Faut d’abord que je comprenne ce qu’il se passe. Faut dire que j’ai pas l’habitude de faire des courses poursuites en pleine ville. C’était même une première. Et si c’est la dernière ça me va assez…Ca gueule. Ca bouge tout autour des bagnoles. A peine arrêtés qu’une dizaine de gars sont déjà là entrain d’essayer de régler un problème dont ils n’ont aucune connaissance. Maitrisant bien les gros mots je saisis rapidement le manque d’amour qu’il règne dehors. Je repère le conducteur qui nous a tamponné 5 mn plus tôt. Sa gueule va avec sa conduite et prouve d’elle-même son aptitude à être un vrai connard. Il y a une nana avec lui tout droit sortie de la page mode d’un magazine pour femmes libres et modernes…Je sors à mon tour, je comprend rien à ce qui se dit, je suis pas loin de chercher la caméra cachée. Au bout de 10 bonnes minutes le ton se calme un peu, des flics au carrefour regardent de loin. Je comprend qu’on essaie de filer du fric au chauffeur. 200 dirhams. Il ne veut pas. Il veut les flics. Une mercedes vient se garer derrière nous. On gène la circulation. Les flics de loin regardent toujours. Un champion du monde sort de la merco. Mais le champion du monde d’un diner de cons, ne vous méprenez pas, c’était bien le seul talent de ce nouvel arrivant….La vingtaine laide et trop riche. Portable à la main, sacoche vide en bandoulière mais griffée, jeans trop moulant qui laissait transparaitre un appendice ridiculement petit, un qui avance avec l’assurance des gens qui savent même s’il ne sait rien, un qui n’a rien pour réussir mais qui réussira quand même, le fric ayant acheté sa place dans l’inutilité d’être, l’avoir suffisant. c’est un copain à l’autre idiot qui se prend pour Senna, des fois les murs ne sont juste pas au bon endroit…
Il lui dit de pas s’inquiéter, que les flics peuvent venir, y a pas de soucis. Il arrête pas d’appeler au téléphone. S’isolant à chaque fois. Le chauffeur de taxi part et revient, il a l’air paumé. Je ne dis rien. je regarde. J’attends. Il va voir les flics au carrefour, puis revient. Le ton remonte. Il repart. Je vais finir par ressembler à Belmondo à Roland Garros ! 1h plus tard les flics arrivent enfin. Je ne suis plus surprise du temps que ça prend ici depuis que j’ai vu un mec défenestré du 4ème étage attendre sagement (parce qu’agonisant) 3/4h une ambulance. Je crois qu’il en a eu marre d’attendre…Comme je suis positive dans l’ensemble j’ai mis cette attente sur le compte d’un soutien sans faille aux suicidés !
Les flics nous jettent à peine un oeil. Presque de suite une autre voiture arrive, une voiture normale mais un flic à l’intérieur qu’on avait l’air d’avoir tiré d’une sieste même pas méritée. Il descend et vient taper la bise à l’autre décébré en merco. Une fois de plus j’ai l’impression d’être dans Kafka. Voilà tous les flics et les 2 autres idots entrain de s’embrasser et de se marrer. Je vois le visage du chaffeur de taxi se résigner, ses yeux se baissant écrasés par la fatalité. Il leur dit pourtant qu’il avait des clients, ils nous montraient du doigt, et nous vu là scène nous étions plus que prêt à venir en aide à notre taximan, à leur expliquer que les 2 autres racontaient des conneries mais walou. Personne ne nous a demandé quoi que ce soit. Un képi  a parlé à notre chauffeur discrètement. Je sais qu’on lui a promis de réparer sa voiture et 1 ou 2 billets, surement les 200drh de tout à l’heure, à peu près 20E. Il a accepté. Avait-il d’autres choix ? Il doit donner 250 drh par jour au propriétaire du taxi. La moyenne d’une course est de 10 dirhams. s’il veut que ses mômes mangent ce soir, il est obligé de céder à la corruption. Tout le monde est repartis, les flics les poches pleines, le chauffeur à pied, les idiots heureux, et nous avec cette amertume de l’injustice dans la gorge.
Je ne sais pas comment le Maroc va pouvoir se débarrasser de ça, de cette corruption qui gangrène tout. Il ne choisira pas la révolution, pas tout de suite en tout cas, je crois qu’il va falloir qu’il apprenne à dire non, ce petit mot insignifiant qui fait parfois les grandes choses, un non quotidien et courageux, ce non qui attend l’Égypte, la Tunisie et d’autres bientôt… Rappelez vous la notre de révolution, juste après c’était napoléon…Juste parce qu’il manquait ces « non » après la bataille, comme avant. Personnellement ça fait longtemps que je l’ai logée là ma révolution, dans un non. Mettre l’ennemi à terre suffit rarement, subsiste tjs l’idée comme une arme braquée, prête à tirer, pour peu qu’on lui dise oui.

MASSIRA


Demain c’est manif ici et vous savez quoi, je n’ai aucune idée de ce que ça peut donner. Les revendications ? une monarchie parlementaire, une justice indépendante, la fin de la censure directe ou indirecte dans la presse, la lutte contre la corruption, la légitimité du peuple en tant que peuple souverain, pour ce que j’ai compris. Mouvement initié par des étudiants que j’ai envie de placer dans la classe sociale moyenne voir un tout petit peu au-dessus.
est-ce que ça peut se transformer en révolution ? Je ne sais pas. Ici tout change très vite. 9a s’amorce et se désamorce sans qu’on comprenne jamais pourquoi. La marche de demain, oui ici on préfère parler de « marche pacifique » plutôt que de « manifestation »  semble une énigme pour la plupart des marocains. Ce qui diffère de la Tunisie et de l’Égypte ? Les réseaux sociaux où se met en place le mouvement et les accès internet restent ouvert, jusqu’à aujourd’hui encore la marche n’est pas interdite, on ne réclame pas la fin de la monarchie, juste une transformation. On en parle dans les journaux. Le gouvernement parait tout de même quelque peu fébrile, agissant depuis quelques semaines dans le sens des revendications populaires : hausse de 10% des salaires de la fonction publique, un accord avec les greffiers en grève depuis 1 an a été trouvé, la caisse royale va filer du fric aux familles les plus pauvres, toujours la même caisse stabilise le prix du blé et autres urgences.
Les initiateurs du mouvement subissent des pressions mais je viens de France, pays démocratique où l’on enferme des gens pendant des mois parce qu’ils lisent autre chose que Houllebecq ou BHL, l’affaire Coupat pour ceux qu’Alzheimer guetterait… Je n’ai donc pas envie de mettre ces pressions sur le dos d’un autoritarisme excessif quand mon propre pays n’est guère reluisant dans son comportement contre ses têtes rebelles….
Excusez moi encore de comparer la France et le Maroc quand on parle de justice indépendante….Quelles leçons pouvons nous donner quand la justice française se complait dans les petits fours et autres douceurs pour des bandits de haut vol mais en col blanc et qu’elle enferme à tour des bras les voleurs de pomme.
Quant à la censure dans la presse française c’est vrai qu’elle est bien moins visible, l’avantage de l’auto censure, c’est plus doux, c’est plus démocratique…
Personnellement je n’y crois pas trop à la révolution marocaine mais je ne miserai tout de même pas grand chose dessus….la suite demain soir, inchallah…

HAMAR


Des fois quand tu es dans les embouteillages il se peut que ton voisin de file soit un âne….

Ce qu’il y a de bien à Casa c’est que souvent il ne s’en cache pas d’en être un !…