Ou un journal presque intime…

Archives de juillet, 2011

MI CASA…


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DERB


J’ai cette chance d’habiter un quartier populaire, de ne pas m’être enfermée dans ma communauté nationale qui même ici continue d’acheter du poulet sous cellophane, des tomates calibrées et à chercher des voisins qui lui ressemble. Mes tomates sont une explosion de goût, mon poulet encore vivant 5 mn avant, mes voisins si différents. Depuis le début de l’été, dans mon quartier, s’enchaînent mariages, diplômes, circoncisions, naissances, des évènements qui se fêtent dans la rue, où les femmes chantent les youyous dans les immeubles, où les habits brillent de milles feux, où là joie s’étale sur les murs, où les sourires ne dévissent pas des visages, où l’on m’accueille sans différence. Le temps du passage des chevaux, des plats immenses habillés et garnis pour la circonstance, des musiciens et le reste, la rue se transforme en une immense famille heureuse de fêter ensemble l’évènement. Peu importe les embouteillages et le joyeux bordel que ça créé. Aujourd’hui c’est fête pour moi, ça doit l’être pour toi. Alors je prends. Je m’arrête et pour 10 mn, je suis de la famille. On partage aussi la mort. C’est ce que m’a donné cette femme tard hier soir. Quand ses cris ont retentis dans la rue déserte qui offrait un écho à sa détresse. Je l’ai vue par la fenêtre. De blanc vêtue, dans les bras d’autres femmes Les pompes funèbres qui ramenaient le corps de l’hôpital pour la veillée garées devant l’immeuble. Personne ne parlait et pourtant quel monde. Un silence pour ne pas déranger sa souffrance. On la laisse pleureur, implorer Dieu, crier au monde son malheur dans l’espoir qu’il en prenne au moins un peu… Aujourd’hui dans la rue où ses larmes sont tombées on monte la tente pour pleurer et manger ensemble. Sa souffrance affichée là quelques heures avant suffit comme autorisation… Ce matin, quand je me suis levée, que j’ai vu cette tente s’élever, je me suis sentie en deuil. De sa souffrance, j’en ai pris un peu. J’ai peur que dans quelques années, d’autres soient seules à hurler, et que personne ne les entende sous le brouhaha de l’indifférence. J’ai peur que dans quelques années, les youyous ne sortent pas des appartements et les chevaux mis à l’arrêt. Je sais qu’un peu plus loin c’est trop chic désormais pour le bordel. Je sais que les portes sont tout le temps fermées et qu’on aime pas être dérangés. Il paraît que c’est le progrès, c’est comme ça qu’il faut évoluer. Perdre son identité et finir en lu et approuvé. Mondialisation de l’avoir, aliénation de l’être, seulement conjugués à la 1ère personne et qui n’a rien de singulier. Mais j’aime ne pas avoir de carton d’invitation et que parfois, dans la rue, sans prévenir,  la fête m’oblige à des instants de joie. Je veux aussi prendre la souffrance de cette femme qui est aussi là pour rappeler l’importance d’un père, d’une mère, de ceux qu’on aime et qu’il faut leur dire avant que la vie finisse de filer. Toutes ces choses si vivantes qui font l’identité, toutes ces choses qui te font encore croire que l’humain n’est pas qu’un produit de marché.