Ou un journal presque intime…

DERB


J’ai cette chance d’habiter un quartier populaire, de ne pas m’être enfermée dans ma communauté nationale qui même ici continue d’acheter du poulet sous cellophane, des tomates calibrées et à chercher des voisins qui lui ressemble. Mes tomates sont une explosion de goût, mon poulet encore vivant 5 mn avant, mes voisins si différents. Depuis le début de l’été, dans mon quartier, s’enchaînent mariages, diplômes, circoncisions, naissances, des évènements qui se fêtent dans la rue, où les femmes chantent les youyous dans les immeubles, où les habits brillent de milles feux, où là joie s’étale sur les murs, où les sourires ne dévissent pas des visages, où l’on m’accueille sans différence. Le temps du passage des chevaux, des plats immenses habillés et garnis pour la circonstance, des musiciens et le reste, la rue se transforme en une immense famille heureuse de fêter ensemble l’évènement. Peu importe les embouteillages et le joyeux bordel que ça créé. Aujourd’hui c’est fête pour moi, ça doit l’être pour toi. Alors je prends. Je m’arrête et pour 10 mn, je suis de la famille. On partage aussi la mort. C’est ce que m’a donné cette femme tard hier soir. Quand ses cris ont retentis dans la rue déserte qui offrait un écho à sa détresse. Je l’ai vue par la fenêtre. De blanc vêtue, dans les bras d’autres femmes Les pompes funèbres qui ramenaient le corps de l’hôpital pour la veillée garées devant l’immeuble. Personne ne parlait et pourtant quel monde. Un silence pour ne pas déranger sa souffrance. On la laisse pleureur, implorer Dieu, crier au monde son malheur dans l’espoir qu’il en prenne au moins un peu… Aujourd’hui dans la rue où ses larmes sont tombées on monte la tente pour pleurer et manger ensemble. Sa souffrance affichée là quelques heures avant suffit comme autorisation… Ce matin, quand je me suis levée, que j’ai vu cette tente s’élever, je me suis sentie en deuil. De sa souffrance, j’en ai pris un peu. J’ai peur que dans quelques années, d’autres soient seules à hurler, et que personne ne les entende sous le brouhaha de l’indifférence. J’ai peur que dans quelques années, les youyous ne sortent pas des appartements et les chevaux mis à l’arrêt. Je sais qu’un peu plus loin c’est trop chic désormais pour le bordel. Je sais que les portes sont tout le temps fermées et qu’on aime pas être dérangés. Il paraît que c’est le progrès, c’est comme ça qu’il faut évoluer. Perdre son identité et finir en lu et approuvé. Mondialisation de l’avoir, aliénation de l’être, seulement conjugués à la 1ère personne et qui n’a rien de singulier. Mais j’aime ne pas avoir de carton d’invitation et que parfois, dans la rue, sans prévenir,  la fête m’oblige à des instants de joie. Je veux aussi prendre la souffrance de cette femme qui est aussi là pour rappeler l’importance d’un père, d’une mère, de ceux qu’on aime et qu’il faut leur dire avant que la vie finisse de filer. Toutes ces choses si vivantes qui font l’identité, toutes ces choses qui te font encore croire que l’humain n’est pas qu’un produit de marché.

ROBS…


J’enseigne dans une école religieuse et je suis chef de projet dans une agence publicitaire. Je peux imaginer que pour ceux qui me connaissent ça tient du non sens. Pourtant, pour la 1ère fois je me sens presque à ma place.
Après le temps de la prière, j’amène le temps de la réflexion. Mes élèves ont 6 ans et je suis la 1ère personne qu’ils rencontrent qui n’a pas de Dieu. Elle est normale (ou presque), 2 bras, 2 jambes, elle est même maîtresse. Vous n’imaginez pas le nombre de questions…Aucune d’inutile.
Ils m’ont demandé si mon mari n’avait pas de dieu non plus. Je leur ai dit que si. il en avait un. Il ne s’appelle pas pareil. Y en a donc plusieurs des dieux ! Les arabes peuvent pas avoir le même que nous…
Je leur ai aussi appris à voter. Un comble quand Dieu choisit pour vous !
Je suis une fenêtre ouverte sur un monde étranger qui leur est interdit. J’aime être cette fenêtre. Je suis chaque jour impressionnée pour ce que j’ai le droit de dire, ce que je me permets de dire. Personne encore ne m’a rien interdit ou même supposé d’interdire. A l’école on doit pouvoir parler de tout sinon on risque de ne savoir rien ou pire, l’inutile. Les interdits finissent en tabous, les tabous en exclusions. Je reste définitivement attachée à la laïcité mais la laïcité en tant que garantie de choix pas en tant que condamnation d’en avoir fait.
Et la pub dans tout ça. Je rassure mon père : je ne vends rien !…En gros, j’assure la logistique. Le projet actuel m’a emmenée à rencontrer un ministre et quelques uns de ses copains dirigeants  des plus grosses entreprises marocaines. Me voilà dans ce bureau immense, un écran d’ordinateur qui n’a rien à envier à une salle de cinéma, les canapés me paraissent bien trop chers pour s’asseoir dessus, une trop grosse table qui trône au milieu quand on sait que le travail qui arrive dessus est déjà fait.Je baisse les yeux. C’est bien ça. Mon jean et mes baskets vertes aux pieds… Comment je suis venue déjà ? Qu’est-ce que je fous là ? Je continue d’apprendre. Quoi ? L’écart entre le rien et le tout. Entre ceux qui survivent  à leur aujourd’hui et ceux qui fabriquent leur demain. entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui le subissent. Peut-il seulement exister un autre schéma ? Non. Si. Dans les idéaux, les utopies. Je continue de m’y accrocher. Plus que jamais. Cherchant le chemin qui m’emmène loin du tout, loin du rien. Peut-être que le croisement est après ce bureau, derrière cet homme persuadé de m’impressionner. Le connaître, je n’en retire aucune satisfaction. Le pouvoir me laisse froide. Je ne vois chez ces gens qu’un manque cruel de réalisme, un trop plein d’autosatisfaction, une complaisance les rendant inutiles à un quelconque changement. Personne ne me voit comme une immigrée, arrivée là par seul espoir de nourrir mes enfants. Je suis blanche, française, c’est suffisant pour faire croire qu’on a pas faim. Comment leur dire que y a pas 1 an je mettais mes mômes dans l’avion, 1 valise chacun, 312 € pour tout le monde, sans maison, sans travail, juste des possibilités. Mais la misère aussi à son image dans l’inconscience collective.Elle ressemble à un petit africain le ventre gonflé, sa mère mangeant de l’argile ou encore à ces enfants des rues sales et drogués. Des images prises très loin de nos pays occidentalisés. Le blanc n’immigre pas. Il s’expatrie, si possible dans d’anciennes colonie, en plus y a du choix… Il ne peut connaître la faim, l’humiliation de n’être rien. La misère est ailleurs. Chez nous, les blancs éduqués, elle porte un nom plus diplomatique : » difficultés sociales ». Elle sert de campagne électorale ou a faire croire qu’on est pas qu’un enfoiré. C’est vrai qu’elle est 3 étoiles. A la place de l’argile y a les poubelles. A la place du désert y a carrefour et de la nourriture à voler. Mais je pense qu’elle n’en est pas moins violente et dévastatrice. L’impuissance face à l’essentiel vous mâche les forces et le courage, vous grignote la cervelle et les entrailles, vous pétrit le coeur et l’esprit finissant le travail dans la fatalité de devoir supporter.
Mais alors pourquoi personne ne m’accuse ? Moi aussi je suis l’étrangère qui vient voler le pain. Pourquoi personne ne m’accuse ? On m’ouvre la porte de beaux bureaux et j’ai du boulot en claquant des doigts. des marocains seront tout aussi capable que moi pour ce travail. mais c’est à moi qu’on l’a donné. Mon nom fait bien sur le papier. Il fait penser à la civilisation, la blancheur incarnée, l’instruction et la richesse associées.De quels droits ? J’étais tout aussi pauvre tout aussi peu fréquentable dans mon pays.  Des années de chômage ou tout comme, à chercher, à m’entendre dire que je valais rien, d’accord, on me le disait gentiment.
Accusez moi. Suivez votre logique. Elle vient voler un pain qui n’est pas le sien. Mais non. Ca compte pas. Je suis blanche. Française. Le pain, où qu’il soit, est à nous. Y a que le notre qu’on ne partage pas.

AL HIJRA


Rentrer dans du rien, après avoir arraché un bout de savoir pour pas finir au coin. L’école est derrière. C’est là qu’elle est toujours quand y a pas d’avenir devant. Y a pas transports scolaires, pas au milieu des champs. Des allers plein d’espoir, des retour résignés, c’est laquelle la sienne ? C’est la taule B.
Grandir dans du rien et y croire malgré tout. Faire des km à pied et user les cahiers dans une école fabriquée après le pré. Grandir dans du rien et marcher jusqu’au bout. Des allers et retours, jusqu’à l’aller qui sera sans. Comme celui que l’on prend le ventre dans le sac à dos avec la peur qui pèse de tout son poids sur les épaules. Rentrer dans du rien c’est déjà quelque chose. La misère s’apprivoise par le manque de choix, une fois docile elle vous offre le courage du quotidien. Cadeau empoisonné ? Peu importe, C’est le présent qui compte…L’échanger contre un futur ? Quel affront ! J’y risquerai ma vie !Tu couleras 30 m au fond. Je remonterai. Je te repousserai. Je sais nager. Tu vas te noyer. J’arrêterai de respirer  ! Jusqu’à quand ? Jusqu’à y arriver.
Voilà comment l’étranger sur votre palier sort juste d’apnée, et l’on nous dit qu’il faudrait le remettre à l’amer? Il y en a qui ne manque pas d’air…

INCHALLAH…


J’ai regardé par la fenêtre, j’ai vu ça :

J’ai pas trouvé très rassurante l’installation du monsieur. Mais il a l’air d’avoir l’habitude….

Puis j’ai levé la tête…

Ca résume assez bien les conditions de travail à Casablanca. Ici les échafaudages sont fabriqués avec des morceaux de bois qu’on croirait ramassés y a pas 2 heures dans la forêt et les mecs s’accrochent 15 m au dessus du sol par 2 planches. Ca + une sécurité sociale gérée par Dieu, tu m’étonnes qu’ils soient croyant …!

MOUSSAMAINE


Arrive par ma fenêtre les moussamaïnes. Ce sont des chants religieux que l’ont fait en certaines occasions pour faire rentrer la joie dans la maison. Ces voix venues du dehors, comme une mélodie urbaine, font rentrer la joie dans la mienne. Je ne comprends pas un mot. Tant mieux je crois. Juste j’écoute. Avant, la nuit j’écoutais les grillons et le vent, aujourd’hui j’écoute les moussamaïnes. Quel drôle d’écart.

Je pense à vous. Ma famille. mon éponge. Je voudrai tant que vous écoutiez cette joie, ce soir j’ai envie de lui donner le nom de mon choix. C’est dur. Je sais. Pour vous. Pour nous. C’est long. Je sais. Mais il le fallait. Vous le savez. Peu importe. C’est vous qui m’avez appris la vigueur que l’on met dans ses choix.

Y a rien de plus marocain et c’est comme ça que je « voeu » ma France. Des voisins qui chantent, les autres heureux d’entendre.

Aujourd’hui à Casa mon journal titrait « Grâce royale au profit de 190 détenus. Un signe de plus »,  cette grâce concerne aussi des prisonniers politiques.

J’ai cette chance de vivre au milieu d’un peuple qui croit au meilleur. J’ai cette tristesse de voir le mien qui ne pense qu’au pire. On s’en fout ! Soyons bêtes, naïfs ou idiots et même tout à la fois. Soyons tout cela et affirmons que la haine n’a de prise que dans les fatalités, que croire au meilleur c’est pas ce qu’il y a de pire, que d’avoir des espoirs c’est avoir du courage, que laissaient les autres chanter, même des chants d’ailleurs, ça permet parfois de rêver.

HALAL


 

Dessin paru dans un article intitulé : le marché des produits halal fait saliver l’agroalimentaire…

1er MARS


Aujourd’hui j’ai rebranché mon téléphone. Une date s’est affichée, celle du jour où je l’ai débranché. C’était le jour du départ, j’étais terrorisée.  6 mois et des poussières, je crois qu’on va se poser. Je regarde autour de moi et j’aime ce que je vois. Ma famille bien logée, en pleine santé, à l’air heureux. Au moins dans cet instant. Un sourire dans une seconde, je prends ! Alors un instant…Nous avons déménagé. 3 fois en 6 mois. Heureusement nous sommes légers 4 valises, quelques affaires, ici on va rester en plus juste à côté il y a la mer. Je vais y semer des graines, pas pour les fruits, pour les racines. Pas celles d’une nouvelle vie, juste d’une vie qui suit sa ligne pour me mener jusqu’ ici sur une avenue pas rectiligne. S’y garent ânes et charrettes couvertes de fruits ou de légumes défiant la nature morte  en exhibant ses couleurs vivantes. Environ 5 DRH le kilo de patates. C’est vrai à ce prix t’as même la boue et ça te salit les mains. Je m’en fiche.. J’ai jamais trouvé ça sale, la terre. Juste ses habitants. En face de chez moi y a les meilleurs sfunges du monde, une espèce de beignet aussi bon que gras et c’est dire s’il est gras ! Y a des poissons à peine péchés et des poulets encore vivants. Y a de la vie à en crever et des odeurs bien dessinées. On le qualifie de populaire en plus de vieux quartier. Si vous saviez comme il est fier et des espoirs de jeunes premiers. Sur ma ligne y avait une route de campagne passant par une cherria survoltée. Une vie qui continue. Rien de nouveau. Juste des racines à faire pousser. Des assez longues et assez fortes qui mènent jusqu’au passé, celui qui dans le futur se veut d’être un présent. Peu importe les frontières ou pire, les nationalités. Voir où la vie nous mène, c’est pas écrit sur les papiers.

LA ? NAAM…


On a pris un taxi pour descendre au centre. Comme d’habitude. Mon homme discute avec le chauffeur des évènements, j’essaie de comprendre, comme d’habitude. Mon arabe s’améliorant difficilement…La circulation est plutôt fluide, rien à voir avec les jours de semaine. On devrait vite arriver. Mais non. D’un coup un grand boum du côté gauche qui nous sort de nos habitudes réconfortantes. Le temps de comprendre le chauffeur était déjà à la poursuite  du conducteur qui venait de nous doubler comme un âne, de trop près, emportant avec lui bout de portière et peinture. Nous voilà donc dans une course poursuite manière starsky et hutch mais façon bledarde à savoir un taxi rouge tout pourri, sans amortisseur, des freins probables, une route qui tient plus du gruyère que du bitume. Rien à voir avec les gros moyens d’Hollywood, Jack Bauer il est peut-être super balaise mais tu lui feras pas sauver les états-unis avec les routes de Casa. Les feux rouges nous regardent dévaler gentiment, les badauds rejoignent précipitamment les trottoirs à notre passage avec cette délicatesse de ne pas s’éclater sur notre pare-brise. Je vois au loin, quand nous survivons aux changements de direction, la voiture que nous suivons. Enfin moi je suis que dalle mais j’ai pas le choix. Un autre bruit. J’ai cru avoir perdu un roue, ça va, elle tient toujours. Changement de rue à gauche. Tjs en vie. Tjs les roues. Je vois la voiture bloquée plus loin à un feu rouge. La notre s’arrête enfin. On me dit de pas sortir. J’en ai pas l’intention. Faut d’abord que je comprenne ce qu’il se passe. Faut dire que j’ai pas l’habitude de faire des courses poursuites en pleine ville. C’était même une première. Et si c’est la dernière ça me va assez…Ca gueule. Ca bouge tout autour des bagnoles. A peine arrêtés qu’une dizaine de gars sont déjà là entrain d’essayer de régler un problème dont ils n’ont aucune connaissance. Maitrisant bien les gros mots je saisis rapidement le manque d’amour qu’il règne dehors. Je repère le conducteur qui nous a tamponné 5 mn plus tôt. Sa gueule va avec sa conduite et prouve d’elle-même son aptitude à être un vrai connard. Il y a une nana avec lui tout droit sortie de la page mode d’un magazine pour femmes libres et modernes…Je sors à mon tour, je comprend rien à ce qui se dit, je suis pas loin de chercher la caméra cachée. Au bout de 10 bonnes minutes le ton se calme un peu, des flics au carrefour regardent de loin. Je comprend qu’on essaie de filer du fric au chauffeur. 200 dirhams. Il ne veut pas. Il veut les flics. Une mercedes vient se garer derrière nous. On gène la circulation. Les flics de loin regardent toujours. Un champion du monde sort de la merco. Mais le champion du monde d’un diner de cons, ne vous méprenez pas, c’était bien le seul talent de ce nouvel arrivant….La vingtaine laide et trop riche. Portable à la main, sacoche vide en bandoulière mais griffée, jeans trop moulant qui laissait transparaitre un appendice ridiculement petit, un qui avance avec l’assurance des gens qui savent même s’il ne sait rien, un qui n’a rien pour réussir mais qui réussira quand même, le fric ayant acheté sa place dans l’inutilité d’être, l’avoir suffisant. c’est un copain à l’autre idiot qui se prend pour Senna, des fois les murs ne sont juste pas au bon endroit…
Il lui dit de pas s’inquiéter, que les flics peuvent venir, y a pas de soucis. Il arrête pas d’appeler au téléphone. S’isolant à chaque fois. Le chauffeur de taxi part et revient, il a l’air paumé. Je ne dis rien. je regarde. J’attends. Il va voir les flics au carrefour, puis revient. Le ton remonte. Il repart. Je vais finir par ressembler à Belmondo à Roland Garros ! 1h plus tard les flics arrivent enfin. Je ne suis plus surprise du temps que ça prend ici depuis que j’ai vu un mec défenestré du 4ème étage attendre sagement (parce qu’agonisant) 3/4h une ambulance. Je crois qu’il en a eu marre d’attendre…Comme je suis positive dans l’ensemble j’ai mis cette attente sur le compte d’un soutien sans faille aux suicidés !
Les flics nous jettent à peine un oeil. Presque de suite une autre voiture arrive, une voiture normale mais un flic à l’intérieur qu’on avait l’air d’avoir tiré d’une sieste même pas méritée. Il descend et vient taper la bise à l’autre décébré en merco. Une fois de plus j’ai l’impression d’être dans Kafka. Voilà tous les flics et les 2 autres idots entrain de s’embrasser et de se marrer. Je vois le visage du chaffeur de taxi se résigner, ses yeux se baissant écrasés par la fatalité. Il leur dit pourtant qu’il avait des clients, ils nous montraient du doigt, et nous vu là scène nous étions plus que prêt à venir en aide à notre taximan, à leur expliquer que les 2 autres racontaient des conneries mais walou. Personne ne nous a demandé quoi que ce soit. Un képi  a parlé à notre chauffeur discrètement. Je sais qu’on lui a promis de réparer sa voiture et 1 ou 2 billets, surement les 200drh de tout à l’heure, à peu près 20E. Il a accepté. Avait-il d’autres choix ? Il doit donner 250 drh par jour au propriétaire du taxi. La moyenne d’une course est de 10 dirhams. s’il veut que ses mômes mangent ce soir, il est obligé de céder à la corruption. Tout le monde est repartis, les flics les poches pleines, le chauffeur à pied, les idiots heureux, et nous avec cette amertume de l’injustice dans la gorge.
Je ne sais pas comment le Maroc va pouvoir se débarrasser de ça, de cette corruption qui gangrène tout. Il ne choisira pas la révolution, pas tout de suite en tout cas, je crois qu’il va falloir qu’il apprenne à dire non, ce petit mot insignifiant qui fait parfois les grandes choses, un non quotidien et courageux, ce non qui attend l’Égypte, la Tunisie et d’autres bientôt… Rappelez vous la notre de révolution, juste après c’était napoléon…Juste parce qu’il manquait ces « non » après la bataille, comme avant. Personnellement ça fait longtemps que je l’ai logée là ma révolution, dans un non. Mettre l’ennemi à terre suffit rarement, subsiste tjs l’idée comme une arme braquée, prête à tirer, pour peu qu’on lui dise oui.

MASSIRA


Demain c’est manif ici et vous savez quoi, je n’ai aucune idée de ce que ça peut donner. Les revendications ? une monarchie parlementaire, une justice indépendante, la fin de la censure directe ou indirecte dans la presse, la lutte contre la corruption, la légitimité du peuple en tant que peuple souverain, pour ce que j’ai compris. Mouvement initié par des étudiants que j’ai envie de placer dans la classe sociale moyenne voir un tout petit peu au-dessus.
est-ce que ça peut se transformer en révolution ? Je ne sais pas. Ici tout change très vite. 9a s’amorce et se désamorce sans qu’on comprenne jamais pourquoi. La marche de demain, oui ici on préfère parler de « marche pacifique » plutôt que de « manifestation »  semble une énigme pour la plupart des marocains. Ce qui diffère de la Tunisie et de l’Égypte ? Les réseaux sociaux où se met en place le mouvement et les accès internet restent ouvert, jusqu’à aujourd’hui encore la marche n’est pas interdite, on ne réclame pas la fin de la monarchie, juste une transformation. On en parle dans les journaux. Le gouvernement parait tout de même quelque peu fébrile, agissant depuis quelques semaines dans le sens des revendications populaires : hausse de 10% des salaires de la fonction publique, un accord avec les greffiers en grève depuis 1 an a été trouvé, la caisse royale va filer du fric aux familles les plus pauvres, toujours la même caisse stabilise le prix du blé et autres urgences.
Les initiateurs du mouvement subissent des pressions mais je viens de France, pays démocratique où l’on enferme des gens pendant des mois parce qu’ils lisent autre chose que Houllebecq ou BHL, l’affaire Coupat pour ceux qu’Alzheimer guetterait… Je n’ai donc pas envie de mettre ces pressions sur le dos d’un autoritarisme excessif quand mon propre pays n’est guère reluisant dans son comportement contre ses têtes rebelles….
Excusez moi encore de comparer la France et le Maroc quand on parle de justice indépendante….Quelles leçons pouvons nous donner quand la justice française se complait dans les petits fours et autres douceurs pour des bandits de haut vol mais en col blanc et qu’elle enferme à tour des bras les voleurs de pomme.
Quant à la censure dans la presse française c’est vrai qu’elle est bien moins visible, l’avantage de l’auto censure, c’est plus doux, c’est plus démocratique…
Personnellement je n’y crois pas trop à la révolution marocaine mais je ne miserai tout de même pas grand chose dessus….la suite demain soir, inchallah…

HAMAR


Des fois quand tu es dans les embouteillages il se peut que ton voisin de file soit un âne….

Ce qu’il y a de bien à Casa c’est que souvent il ne s’en cache pas d’en être un !…